Le 24 octobre, en début d’après-midi, un char israélien s’est positionné au carrefour situé devant l’hôpital de la Sainte-Famille à Bethléem. Après avoir dirigé la tourelle vers l’établissement, ses occupants ont fait feu, touchant le pavillon de l’entrée, où flottaient côte à côte le drapeau français, celui du Saint-Siège et celui de l’Ordre de Malte. Des balles ont également traversé la porte principale et sont allées se loger dans les murs autour du standard téléphonique, d’autres encore ont traversé une deuxième porte, manquant de peu le personnel et les malades qui se trouvaient là. Grâce au ciel, personne n’a été blessé.
Au cours de cette fusillade, le nouveau Gouverneur de la Palestine et le maire de Bethléem, accompagnés d’une délégation venue sur les lieux pour évaluer l’étendue des dégâts occasionnés par les attaques des jours précédents, se sont trouvés enfermés avec le personnel à l’intérieur de l’hôpital pendant plus d’une heure.
La zone autour de l’hôpital est depuis quelques jours le théâtre de violents affrontements entre israéliens et combattants palestiniens. À plusieurs reprises, les chars israéliens ont pris position dans rue Paul VI devant l’hôpital et ont ouvert le feu sur les bâtiments environnants. Les combats des cinq derniers jours ont fait 17 victimes et de nombreux blessés dans la région de Bethléem.
Dans la soirée du dimanche 21 octobre, un char a tiré sur un bâtiment situé juste en face de l’hôpital déclenchant un incendie qui a détruit trois étages. Les pompiers de la défense civile ont mis plus d’une heure pour arriver sur les lieux à cause de la présence permanente des chars. Le feu menaçait de s’étendre à la réserve d’oxygène de l’hôpital se trouvant juste derrière les murs, de l’autre côté de la rue. Le directeur de l’hôpital a dû téléphoner de toute urgence aux autorités locales et internationales, notamment au Consul Général de France et au maire de Bethléem pour qu’on laisse les pompiers approcher de la zone.
Cette nuit-là, l’hôpital a été cerné par d’intenses bombardements. Plusieurs vitres ont été endommagées. Les bâtiments ont été ébranlés à plusieurs reprises. Un épais nuage de fumée flottait partout provoquant la panique parmi les patients et le personnel soignant.
Le 22 octobre, un obus s’est abattu sur la blanchisserie de l’hôpital faisant d’importants dégâts. Des éclats d’obus ont fait voler en éclats les vitres de l’unité de soins intensifs de néonatologie, de la nursery et des chambres des patientes. Un autre obus a atteint la chapelle. Diverses parties de l’hôpital ont été touchées par les tirs. Deux obus et de nombreuses balles ont gravement endommagé le pavillon Saint-Vincent qui accueille les familles des patients.
Deux membres du personnel se sont effondrés, mais on n’a déploré aucun blessé. Les nouveau-nés qui se trouvaient dans l’unité de soins intensifs de néonatologie ont été évacués dans leur couveuse vers une salle moins exposée.
Le 23 octobre, les Patriarches de Jérusalem ont organisé, en compagnie du clergé et des Consuls européens, une grande marche de Jérusalem à Bethléem en signe de solidarité et de protestation. À Bethléem, les magasins et les bureaux sont fermés et dans les rues désertes, on ne croise plus que les combattants palestiniens et les chars israéliens.
On a dû réorganiser le travail des équipes soignantes : désormais le service de nuit débutera à 16 heures pour des raisons de sécurité. Les médecins d’astreinte et un homme d’entretien passeront la nuit à l’hôpital. On doit aller chercher les membres du personnel chez eux et les raccompagner après leur service.
Un grand drapeau de l’Ordre de Malte a été placé sur le minibus de l’hôpital dans l’espoir que ce dernier sera respecté. Les patients ont beaucoup de mal à atteindre l’hôpital et quelques-uns arrivent en ambulance. Depuis le début de l’année, la situation générale a entraîné une diminution du nombre de naissances à la maternité : nous sommes passés d’une moyenne de 276 naissances pendant la même période de l’année dernière à 158 naissances cette année.
D’après une étude comparative entre septembre 2000 et septembre 2001, les admissions en gynécologie obstétrique ont chuté de 42 % et l’activité du service de néonatologie a enregistré une baisse de 33 %. Le nombre des naissances a baissé de 43 % et celui des consultations externes de 53 %.
L’Hôpital de la Sainte Famille est dirigé par l’Association française de l’Ordre de Malte, sous la responsabilité du Grand Magistère. Depuis 1990, plus de 25 000 bébés y ont vu le jour. Cet établissement assure des services médicaux indispensables dans cette région. Les spécialistes américains et européens s’accordent à reconnaître que les équipements et les soins y sont d’excellente qualité et qu’ils correspondent aux normes occidentales. Les services qu’offre l’hôpital sont d’autant plus importants que la situation politique de la région est instable et que son économie est sinistrée. Cette maternité représente la seule possibilité qu’ont les femmes de donner naissance à leur bébé dans de bonnes conditions médicales.
Le premier objectif de cette maternité a été, est et sera toujours d’offrir des soins d’excellente qualité à tous sans discrimination raciale, religieuse, culturelle ou sociale.
Quelques chiffres :
L’Hôpital est dirigé par une équipe hautement qualifiée de 94 personnes :
– 8 spécialistes et 5 médecins résidents
– 45 infirmières
– 6 paramédicaux
– 5 employés administratifs
– 25 auxiliaires
– 25 000 naissances, taux de mortalité nul depuis février 1990
– la seule unité de soins intensifs en néonatologie à Bethléem
– du personnel hautement qualifié
– le seul hôpital en Palestine reconnu par le RCOG (Royal College of Gynaecology) de Londres pour la formation des médecins
– plus de 3 200 accouchements en 2000
– plus de 15 000 consultations externes par an
Historique
– En 1882, les Filles de la Charité font l’acquisition d’un grand terrain à Bethléem où elles poseront la première pierre de ce qui deviendra un hôpital de 80 lits
– En 1892, le Sultan turc autorise par un Firman les Sœurs de la Charité à construire et à diriger l’hôpital de Bethléem
– Plus tard, les autorités turques accorderont à l’hôpital une exonération fiscale dans le cadre des accords de Mytilène et de Constantinople signés avec le gouvernement français
– L’Hôpital de la Sainte Famille ouvre ses portes en 1895 et devient un hôpital généraliste très actif qui depuis maintenant presque cent ans, offre aux habitants de Bethléem une maternité et des services médicaux et chirurgicaux.
– En 1985, l’hôpital est contraint de fermer pour des raisons socio-politiques liées au conflit israélo-palestinien
– La même année, pour répondre à la situation de crise, l’Ordre de Malte décide de rouvrir l’une des ailes de l’hôpital pour en faire une maternité de 28 lits. L’Union Européenne nous a apporté son soutien pour la rénovation et l’acquisition d’équipement.
– Le 26 février 1990, le premier bébé naît dans cette nouvelle structure.
– En 1997, pour répondre à un accroissement de la demande, deux nouvelles salles d’accouchement sont créées, ainsi qu’une deuxième salle d’opération et un service de néonatologie. La maternité bénéficiera désormais de neuf lits supplémentaires. L’Union Européenne a de nouveau apporté sa généreuse contribution pour l’acquisition des équipements.
– En avril 2001, la fondation américaine O’Neil fait don à l’hôpital d’une clinique mobile toute équipée. L’équipe médicale pourra désormais apporter des soins aux communautés isolées des régions montagneuses qui vivent dans la pauvreté et connaissent des conditions de vie précaires : ces populations n’ont ni eau courante ni électricité, ni dispensaire, etc. Malheureusement, l’hôpital n’a pas encore pu utiliser cette clinique mobile à cause de la situation actuelle.
– Pour répondre à une activité en constante progression, un nouveau service de consultation externe a ouvert ses portes en juillet 2001 dans une autre aile de l’ancien hôpital.